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Eviter les gens abusifs

Voyons en pratique comment se déroule une relation abusive :

Jean

Personnage rustre et ronchon, Jean a des convictions inébranlables. Méfiant et susceptible, il dénigre volontiers son entourage. Il n'hésite pas à menacer et intimider les plus faibles. Et à s'ingérer dans leur vie privée.

René

Ses manières délicates et prévenantes le rendent presque obséquieux. Ses convictions changent au gré des rencontres. Il apprécie le dialogue, se remet en question et suppose que les autres font de même.

Comment une interaction entre deux natures aussi différentes peut-elle exister ?

René, comme de nombreuses autres victimes, entretient deux illusions coupables :

Il excuse d'emblée l'attitude de l'abuseur.

Il est convaincu que l'abuseur va changer.

La première illusion le fait entrer dans ce type de relation et la seconde y rester.

Ainsi René, avant d'être abusé, a l'occasion d'observer de quelle manière Marguerite, la femme de Jean, subit les vexations continuelles de son mari.

Mais si elle le supporte depuis plus de 30 ans, c'est qu'il ne doit pas être un si mauvais bougre !

Les qualités de René présentent de sérieux inconvénients dans la vie quotidienne, alors que les défauts de Jean offrent d'indéniables avantages.

René est gentil et compréhensif avec tout le monde et cette attitude en fait une proie toute désignée.

Jean ne se complique pas la vie. Pour lui, le monde est divisé entre ceux qui partagent ses convictions et les autres ; des imbéciles qu'il faut écarter ou éliminer.

Cette attitude pragmatique lui permet d'atteindre sans scrupules ses objectifs.

Quand une relation de ce type débute, les victimes comme René, ne réalisent pas son potentiel destructeur.

Pour l'abuseur, une méthode de séduction efficace consiste à s'entendre sur un ennemi commun. Le mécanisme du bouc émissaire, vieux comme le monde, fonctionne sous toutes les latitudes. Il flatte les penchants les moins nobles de l'être humain en recourant au racisme, au chauvinisme et à l'intolérance et en se complaisant dans un voyeurisme macabre. Le culte omniprésent du catastrophisme, véhiculé par les médias, participe également à cet élan morbide.

Dans le cas présent, Jean tente d'attirer la sympathie de René en condamnant la pratique de l'homosexualité. Ensuite, il s'en prend à l'ingratitude du dénommé Ernest. Or Ernest se trouve être justement homosexuel.

Au préalable Jean a rendu « service » à René en réglant les freins de son vélo. René refoule son indignation naturelle et par son attitude conciliante, il cautionne l'intolérance de Jean.

L'abuseur, un lâche de nature, s'attaque de préférence à des personnes faibles et vulnérables. Lorsqu'il a des raisons de craindre sa future victime, soit parce qu'elle est, comme René, physiquement plus forte que lui ou soit parce qu'il suspecte qu'elle possède des appuis ; il emploie alors des moyens détournés.

Un allié acquis à sa cause débute le harcèlement.

A ce stade, l'abuseur reste en retrait, il feint de maintenir une position neutre tout en contrôlant l'effet de ses manouvres.

Les premières banderilles proviennent de Marguerite, la femme de Jean.

Fidèle à son maître, elle utilise les prétextes les plus futiles, avec une mauvaise foi caractéristique.

René confie à Marguerite qu'il consomme des aliments issus de l'agriculture biologique.

Marguerite : « Il n'y a pas de différence entre le bio et le non bio. »

René : « Pourtant il y a des organismes qui certifient que le bio utilise des méthodes de culture sans engrais chimique. »

Marguerite : « Toute la planète est polluée, il y a autant de chimie dans le bio que dans le non bio. »

René : « Alors pourquoi les produits bio ont-ils des emballages différents ? »

Marguerite : « C'est de la poudre aux yeux, les commerçants veulent faire des affaires. »

René : « Comment expliquez-vous alors l'intérêt croissant des consommateurs pour ces produits ? »

Marguerite : « S'ils achètent plus cher le même produit, c'est bien la preuve que ce sont des imbéciles. »

Marguerite et Jean invitent René, son épouse Linda et leur fille de 6 mois Tania pour un repas canadien.

A cette occasion Marguerite et Jean ne touchent pas aux aliments apportés par René et Linda.

Marguerite continue sa croisade anti-bio et prétend que dans l'intérêt de Tania, il vaut mieux renoncer à ce type d'alimentation.

René s'occupe le matin de Tania alors que Linda travaille à mi-temps. Après le repas de midi, il vient s'installer sur la terrasse avec Tania. La petite gigote dans l'eau de la piscine portable, sous l'oil attentif de son papa. Quand Tania fait sa sieste, René en profite pour préparer des dossiers.

Jean a pris lui aussi l'habitude de débouler sur la terrasse et fort de ses prérogatives de propriétaire commence à régenter la vie de Linda et René.

Les réflexions commencent :

« Ce n'est pas l'heure de sortir un nourrisson. »

« Il ne faut pas lui donner ça à manger. »

« Si j'ai bien compris c'est toi la femme au foyer. »

« Tu ne vas pas t'en sortir. »

Marguerite rejoint son mari et les méthodes inquisitrices continuent :

« Où travaille votre femme ? »

Linda travaille dans une compagnie d'assurances.

« Comment est-ce possible, si elle ne sait pas parler français ? »

Linda ne maîtrise pas encore parfaitement la langue française.

« Elle ferait mieux de travailler en fabrique, comme je l'ai fait quand je suis arrivée en Suisse. »

Perfidement Marguerite ajoute :

« Mais il faut avoir des papiers réglementaires. »

Il y a plusieurs mois, René avait confié à Jean qu'une procédure était en cours pour régulariser la situation de Linda.

Et Marguerite de renchérir :

« Moi, j'ai obtenu immédiatement les autorisations nécessaires. »

René qui était resté calme jusqu'à présent se permet une phrase malheureuse :

« Est-ce le travail en usine qui vous a rendu aussi débiles ? »

Médusés, Marguerite et Jean restent bouche bée. Marguerite se lève, indignée et s'éloigne précipitamment tout en se plaignant de cet outrage.

Gêné, René s'approche de Jean et lui prie d'accepter ses excuses.

Jean le regarde avec dédain :

« C'est trop tard, elle ne reviendra pas sur sa position. »

Suite à cet affront, Marguerite n'adresse plus la parole à René, alors qu'elle continue de le faire avec Linda et Tania.

Jean entre dans la danse et remplace Marguerite au pied levé. Il défend l'honneur blessé de son épouse et tire à boulets rouges sur René.

Simultanément, une campagne de calomnies orchestrée par le couple, ambitionne de changer les alliances du voisinage.

Les anciens ennemis comme Ernest se voient offrir le calumet de la paix et sont invités à participer à la chasse aux sorcières.

Après quelques mois, René, Linda et leur petite fille se résolvent à quitter les lieux.