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Délire de persécution

«Tout voisin, tout parent, toute personne mise en rapport depuis quelque temps avec le malade, devient par cela seul un ennemi; il est enrôlé dans la grande conspiration formée contre son repos. Voilà pourquoi toute personne qui a fréquenté le malade devient forcément un de ses adversaires; voilà pourquoi le passant rencontré dans la rue dans un moment d'abandon, le voyageur côtoyé sur la route, le médecin consulté pour la première fois, sont tous des confidents qu'on accueille avec expansion, tandis que tous ceux qu'on a vu deux ou trois fois de suite deviennent immédiatement l'objet de défiance la plus invisible.» Benjamin Ball

Lorsqu'on écoute les confidences de certains individus, plus particulièrement celles qui se rapportent à leur vie sentimentale, on s'étonne de constater la forte hostilité qu'ils manifestent envers tous ceux qui ont partagé leur vie. Sachant que la réaction de tout individu normal est de fuir ce genre de situation, on s'interroge sur les raisons qui poussent ces personnes à supporter des conjoints aussi cruels.
Sans pour autant écarter l'hypothèse que notre persécuté subit une influence contraire à sa volonté, nous finissons par douter que la cause de ses tourments s'explique par une domination implacable exercée contre lui.

Les pires abus

Il est difficilement envisageable que la naïveté d'un honnête homme le conduise, contre son gré, à subir les pires abus, sans qu'il ne s'en rende compte et surtout n'y désire mettre un terme. Plus surprenant encore est la répétition de cette expérience pénible. Or c'est bien ce qu'il se produit avec notre persécuté. Son existence est jalonnée de tribulations, plus ou moins identiques. Un tel enchaînement d'événements nous émerveille, au point de nous demander si une autre raison que le concours de circonstances funestes est à l'origine de ce mécanisme.

Dans l’œil du cyclone

Les personnes entrant en relation avec notre persécuté manifestent généralement de l’empathie avec lui, au point de prendre parfois parti pour lui. Mais irrémédiablement le persécuté est déçu de ces soutiens, qui ne parviennent pas, malgré leur bonne disponibilité, à réduire ses doléances. Bien au contraire, Lorsque le persécuté se confie à une personne bienveillante, il désigne généralement un bouc émissaire responsable de tous ses malheurs. La scène se répète aujourd'hui avec vous. Vous, qui avez cru bien faire en aidant le persécuté, vous êtes maintenant dans l’œil du cyclone.
Ce qui est révélateur c'est que toutes les relations du persécuté suivent le même schéma.

Si on prend le soin d'interroger les personnes qu'il accuse, nous constatons que notre homme est loin d'avoir une réputation de martyre. Bien au contraire, les avis sont unanimes pour décrier les abus de toutes sortes auxquels il s'est livré. Ces avis sont bien utiles pour dresser un portrait bien peu reluisant d'un individu qui se fait passer pour une victime.

Retrouver ses esprits

Avant de prendre conscience de la réalité de la situation, il n'en demeure pas moins que nous pouvons avoir prêté main forte au persécuté. Dans notre confusion, il n'est d’ailleurs pas exclu que nous nous sommes ligués contre des personnes (ses ennemis) qui n'avaient pas grand-chose à se reprocher. Ces dernières, ont une bonne raison de nous en vouloir pour notre parti pris inconsidéré.

Lorsque nous commençons à retrouver nos esprits, nous nous muons progressivement en adversaire pour notre persécuté. Nous rejoignons ainsi la cohorte de ses ennemis. À ce point, nous regrettons amèrement d'avoir accordé notre confiance à quelqu'un de beaucoup plus préoccupé par les blessures de son amour propre et son besoin de vengeance, que du respect des autres.
Heureusement, si nous retenons la leçon, on ne nous y reprendra plus.